Pas d’urgence pour les droits de l’Homme lors de la mission financière au Moyen Orient?!

Actuellement, le Ministre des Finances et le Grand-Duc Héritier, accompagnés d’une délégation d’une soixantaine de représentants d’entreprises luxembourgeoises du secteur financier, séjournent aux Émirats arabes unis (du 1er au 3 mars) et ensuite au Qatar (du 4 au 5 mars) pour une mission financière, où des rencontres avec des hauts représentants politiques et des dirigeants d’entreprises figurent au programme.

Dans ce contexte, j’avais adressé au Président de la Chambre des Députés une question parlementaire urgente, que j’ai demandé de transmettre à Monsieur le Ministre des Finances, pour lui demander s’il était disposé à intervenir dans le cadre de la mission actuelle auprès des autorités des Émirats arabes unis et du Qatar afin de faire respecter les droits de l’Homme et les huit conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

En plus, je me suis permis de demander s’il n’était pas opportun de restreindre les relations politiques et économiques avec ces pays aussi longtemps que les droits de l’Homme les plus élémentaires n’y sont pas respectés.

La réaction du Président de la Chambre des Députés était prompte. La Chambre «accuse réception de la question parlementaire sous rubrique, enregistrée sous le numéro 947. Le caractère urgent de la question n’a pas été reconnu». En effet, le règlement de la Chambre réserve au Président la prérogative d’accepter l’urgence d’une question parlementaire ou non.

L’urgence n’est pas reconnue, point à la ligne. Pas de motivation, rien!

Pour cause: comment un député peut-il oser troubler les affaires économiques et financières entre la place financière du Luxembourg et les Émirats arabes unis et le Qatar avec des questions de droits de l’Homme?!

L’on fait fi des restrictions des droits de l’Homme et des droits démocratiques les plus élémentaires. Peu importe qu’aux Émirats arabes unis des élections n’ont pas lieu, que la séparation des pouvoirs n’existe pas et que les partis politiques sont prohibés, que les libertés fondamentales relatives à la liberté personnelle, telles que les libertés d’expression, de la presse, de réunion et d’association, sont restreintes, que la traite d’êtres humains et le travail forcé sont encore une réalité. Les handicapé-e-s, les homosexuel-le-s, les personnes séropositives et les personnes qui sont malades du SIDA sont discriminées! A quoi sert l’appel de Sarah Leah Whitson, Directrice de la division Moyen-Orient Afrique du Nord de Human Rights Watch, selon laquelle «les gouvernements et les institutions qui souhaitent développer des liens plus étroits avec les Émirats devraient regarder de plus près son récent bilan en matière de droits humains.»

Qu’importe le fait qu’au Qatar, des travailleurs migrants vivent dans ce pays dans des conditions épouvantables, que 1,4 millions de travailleurs ont été mobilisés par cet Etat esclavagiste pour construire aéroports, routes et stades en vue de la coupe du monde de football en 2022, que plus d’un millier de travailleurs migrants ayant participé à la construction des stades ont déjà péri dans des accidents mortels et que plusieurs milliers risquent d’y périr encore, le système « kafala » ne laissant aucune place au droits élémentaires, ni au droit de former un syndicat ou d’y adhérer.  A quoi bon les déclarations du Ministre des Sports et du Ministre des Affaires Etrangères dans leurs réponses communes à ma question parlementaire No 660 du 28 octobre 2014 à ce sujet, affirmant que «le Luxembourg attache beaucoup d’importance aux droits de l’Homme, y compris à l’abolition du travail forcé.»

Ce qui importe, ce sont les flux de capitaux ; les droits de l’Homme ne rapportent pas à la haute finance!

Ainsi, selon le Président de la Chambre des Députés, il n’y a pas d’urgence d’évoquer les questions de droits de l’Homme lors de cette entrevue, bien que les responsables politiques du Luxembourg couvrent et président la mission économique et financière en cours dans ces pays. Il suffira d’en parler entre nous, quelques semaines après, sans trop troubler les affaires en cours.

Shame on you! (*)

Justin Turpel,
2 mars 2015, jour deux de la mission financière aux Émirats arabes unis et au Qatar.

(*) Schämt euch! Ayez honte!

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